Mis en branle pour tirer profit des cours élevés des ressources, le Plan Nord est bien lancé et les projets se multiplient. Mais qu'adviendra-t-il des prix, ces fondations qui soutiennent l'édifice? Ici et ailleurs, les analyses divergent.
«Il faut retenir qu'un cycle à la hausse est toujours suivi d'un cycle à la baisse, rappelle Gaétan Morin, premier vice-président aux investissements du Fonds de solidarité FTQ. Le supercycle est d'après moi chose du passé.»
«Il va y avoir des retards dans les projets. Des ralentissements dans les investissements, on en a eu dans le passé et on va continuer d'en avoir», ajoute-t-il.
L'économiste en chef adjoint de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Yanick Desnoyers, croit plutôt que le supercycle va se poursuivre. «Il y a un ralentissement de la demande en 2012, mais les gens ont le nez collé sur l'écran. Les croissances vont se raffermir à l'échelle mondiale, je n'ai pas trop d'inquiétude sur le plan de la demande.»
Le Québec n'est pas le territoire qui offre les plus faibles coûts de production dans le monde. Que le supercycle soit terminé ou non, il faut que les prix restent suffisamment élevés pour assurer un développement minier rentable dans le Nord.
Le Plan Nord repose d'abord et avant tout sur le fer de la Fosse du Labrador. C'est là que les projets d'envergure sont les plus nombreux, et c'est là que les grands groupes asiatiques commettent des centaines de millions, et bientôt des milliards. D'après Carlos Leitao, économiste en chef à la Banque Laurentienne, la demande de fer va demeurer assez robuste, même s'il pourra y avoir certaines faiblesses dans les prochaines années. «À long terme, les pays comme la Chine et l'Inde vont continuer à s'industrialiser.» Ce qui n'empêche pas plusieurs analystes d'anticiper un recul des prix.
Outre le fer, une analyse des prévisions de prix individuelles, ressource par ressource, permet toutefois de dresser un portrait pas si sombre des perspectives minières à long terme, au-delà des prochaines semaines ou des prochains mois (voir encadrés).
Les métaux industriels comme le cuivre, le nickel et le zinc, intimement liés à la croissance économique, devraient continuer à être en demande, avance Benoît Longchamps, économiste à l'Association minière du Québec. «Le principal argument, c'est la croissance de la classe moyenne dans les pays émergents», indique-t-il. Selon l'OCDE, sa taille devrait doubler d'ici 2020 (de 1 à 2 milliards) et sur le seul continent asiatique, elle se multipliera par six d'ici 2030 (de 500 millions à 3 milliards).
Cette évolution ira de pair avec l'urbanisation, la demande pour les biens et services et avec le développement des infrastructures, donc avec une demande soutenue pour les métaux.
Selon Yanick Desnoyers, les marges de profit du secteur minier auront des hauts et des bas, mais la forte demande le convainc que «les probabilités que les prix diminuent sous les coûts de production sont très très faibles».
Moins vulnérable qu'avant
Il reste difficile de prévoir avec précision le niveau de prix à long terme du prix des métaux. Quoi qu'il arrive, Gaétan Morin, qui croit que la tendance est à la baisse, reste optimiste. Il affirme que le Québec est beaucoup moins vulnérable qu'auparavant à un cycle baissier en raison de la diversification des substances dénichées et potentiellement exploitables sur le territoire nordique.
Même si le secteur de la construction mondiale s'affaiblit de manière prolongée, affectant les métaux de base, il existe d'autres métaux qui ne sont pas nécessairement synchronisés avec ce secteur, comme le lithium ou les terres rares. «Collectivement, on a réussi à diversifier notre assiette minérale», se réjouit-il en soulignant la contribution de SIDEX, un fonds créé en 2001 par le gouvernement du Québec et le Fonds FTQ justement pour favoriser la diversification.
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