LA CORNE - S'il reconnaît que la situation actuelle n'est facile pour personne, le PDG d'Énergie RB, Richard Clark, assure que tout est fait pour relancer les opérations de la mine Québec Lithium à La Corne, et ce, dans un horizon de six mois.
La société vancouvéroise a obtenu la protection de la Cour supérieure en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), le 15 octobre, soit huit jours après avoir cessé la production à sa mine de lithium. Cet arrêt a entraîné la mise à pied temporaire de 208 des quelque 230 employés de la Québec Lithium. Les autres sont affectés à des tâches d'entretien et de maintenance.
«Nous n'avions pas le choix d'agir ainsi pour réduire nos frais d'exploitation. On n'a pas lancé la serviette. Je suis l'un des principaux actionnaires. Si je ne pensais pas pouvoir relever l'entreprise, je serais parti jouer au golf à Phoenix pour l'hiver», a-t-il confié, le 17 octobre.
Selon lui, la LACC permettra à l'entreprise de se restructurer. «Il nous faut améliorer notre bilan financier pour relancer les opérations le plus rapidement possible», a ajouté celui qui assurait alors que la compagnie avait ou allait respecter toutes ses obligations envers ses employés.
Trouver des partenaires
Le PDG travaille donc sur différents scénarios pour remettre l'entreprise sur les rails. Il rappelle d'abord que les opérations se poursuivent à la mine d'iode Aguas Blancas, au Chili, ce qui permet de générer des revenus (12 à 14 M $ cette année selon lui). Il soutient aussi qu'il y a une demande grandissante pour le carbonate de lithium de qualité pile que la mine Québec Lithium est prête à produire.
«Et nous y sommes presque. L'usine est complétée. Il nous faut de 3 à 4 mois pour terminer sa mise en service. Nous avons notre mine au Chili qui nous procure des revenus, mais que nous pouvons aussi vendre en partie ou en totalité si nécessaire. On peut aller chercher de nouveaux partenaires de l'industrie du lithium. Tout est là, mais il nous faut ramener la dette à un niveau acceptable», a estimé M. Clark.
Québec sera interpelé
Ce dernier rappelle aussi qu'Énergie RB opère presque entièrement avec des capitaux privés. À ce jour, la principale implication de Québec aura été une garantie de prêt de 60 M $ d'Investissement Québec auprès de ses principaux créanciers. Selon Le Devoir, elle aurait aussi obtenu une aide temporaire de 5 M $ cet été.
«Nous allons devoir discuter avec le gouvernement. Il pourrait investir dans le projet afin de supporter tous ces emplois. Il nous faut des partenaires, et Québec pourrait en être un», a fait valoir Richard Clark.
Si près du but
Le PDG estime que la protection de la LACC vient confirmer qu'il vaut mieux de préserver l'actif de la mine et le restructurer pour mieux le relancer que de tout liquider. La mine pourrait être rentable dans un court délai et sa durée de vie projetée est de plus de 12 ans.
«L'usine est construite et on sait qu'elle fonctionne. Les preuves sont faites. On a même un auditeur indépendant qui l'a confirmé. C'est frustrant d'être aussi près de la ligne d'arrivée et de ne pas être capable de soulever l'orteil pour la franchir», a-t-il imagé.
La mine Québec Lithium projette de produire 20 000 tonnes par année de carbonate de lithium de qualité pile, pur à 99,99 %, pendant 12 ans. Il s'agit du premier projet de cette nature et de cette envergure en plus de 40 ans en Amérique du Nord.
Emportée dans une tempête presque parfaite
Il y a quelques mois à peine, le PDG d'Énergie RB, Richard Clark, était bien loin de se douter que son entreprise se retrouverait dans une situation aussi précaire aujourd'hui.
D'abord, il rappelle qu'Énergie RB est née de la fusion entre Canada Lithium et Sirocco Mining et qu'elle n'est donc dans le dossier que depuis janvier.
«Nous avons connu un hiver très rigoureux qui a entraîné des délais jusqu'en mai pour nos travaux de mise en service de l'usine. L'équipement n'était pas dans l'état auquel nous nous attendions, ça nous a aussi pris par surprise. On a alors réalisé que nous n'avions pas assez de fonds pour tout remettre en opérations. On a levé de nouveaux fonds pour ça. On aurait alors pu aller en chercher davantage, mais nous étions convaincus que c'était suffisant», a-t-il raconté.
Acculés au pied du mur
Mais le procédé très complexe pour extraire et produire un carbonate de lithium pur à près de 100 % n'avait pas fini de causer des maux de tête aux dirigeants de la société vancouvéroise.
«Avec près de 250 employés et toutes nos autres dépenses reliées au démarrage, on engloutissait 5 à 6 M $ par mois. On s'est vite retrouvés acculés au pied du mur. Durant l'été, il nous fallait de nouvelles sommes à court terme. On en a trouvé auprès de nos financiers, on a puisé dans nos ressources au Chili et on a obtenu de l'aide d'Investissement Québec», a expliqué M. Clark.
Des emprunts à échéance
Puis, ne parvenant pas à prolonger l'échéance des principaux emprunts pour la mine Québec Lithium (en 2015 et 2016) alors que les revenus se faisaient toujours attendre, Énergie RB s'est lancé dans un financement privé devant lui rapporter entre 78 et 88 M $ afin d'effacer son ardoise. Sinon, tous ses revenus des deux prochaines années allaient y passer.
«Il nous fallait environ 20 M $ pour opérer encore trois ou quatre mois, le temps de compléter la mise en service, et avec 70 M $ en tout, on parvenait à redresser passablement notre situation auprès des créanciers. Nous avions structuré notre financement privé en débentures convertibles garanties avec un investisseur qui nous assurait environ 25 M $», a fait valoir Richard Clark.
La déconfiture
Tout semblait dans la poche. Pour un tel financement, Énergie RB devait obtenir une exemption de la Bourse de Toronto (TSX), ce qu'elle a obtenu le 15 septembre. Elle a publié un communiqué à cet effet, précisant sa démarche. Or, la TSX a émis à son tour une courte déclaration le lendemain voulant que, comme le prévoit une telle exemption, l'entreprise fasse l'objet d'une révision de sa cote.
«Le marché a réagi très nerveusement et la valeur de nos actions a chuté de 25 % et 14,4 millions de transactions ont été enregistrées sur le titre. Nous avons immédiatement publié un nouveau communiqué, mais l'effet ne s'est pas arrêté là», a fait valoir M. Clark, qui a vu l'action perdre encore 25 % dans la semaine qui a suivi.
Investisseur trop exigeant
Le PDG croyait alors toujours pouvoir récolter ses 70 M $, mais l'investisseur principal a finalement reculé, exigeant de nouveaux termes qui diluaient trop les actions parmi les actionnaires selon ses dires. «Nous nous sommes lancés à la recherche de solutions qui redonneraient à la compagnie sa réelle valeur sur les marchés. C'est là que nous avons demandé la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies», a raconté Richard Clark.
Une dette de 128 M $
Créanciers de premier rang: 72 M $
Débentures convertibles garanties: 43 M $
Partenaire chinois/Investissement Québec: 13 M $
Financement de 13 M $
Dans la foulée de sa protection sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, Énergie RB a annoncé l'obtention d'un financement débiteur-exploitant de 13 M $ US auprès d’Hale Capital Partners.
Ces sommes lui fourniront les liquidités nécessaires pour s'acquitter de ses obligations pour la durée du processus de restructuration. «C'est un processus très coûteux, mais incontournable», a souligné le PDG Richard Clark.
https://www.lechoabitibien.ca/2014/10/24/richard-clark-on-na-pas-lance-la-serviette-pour-quebec-lithium