L’achat potentiel de Carrefour sème le doute (Photo: Romo Mocafico)
Bien qu’Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 37,17$) ait dmontr dans le pass sa capacit raliser de grands coups d’clat tout en prservant sa discipline financire, les avances prliminaires pour acqurir l’picier franais Carrefour SA risquent de «jeter de l’ombre» sur son titre jusqu’ ce que le march ait une meilleure ide de la «destination» de ce dtour inattendu, explique Irene Nattel, de RBC Marchs des capitaux.
L'effet de surprise fait d'ailleurs reculer l'action de 8% l'ouverture des marchs.
De prime abord, ces discussions exploratoires surprennent puisque jusqu’ici Couche-Tard s’tait entirement concentre sur les dpanneurs. Carrefour comptait toutefois 7 729 magasins d’accommodation la fin du troisime trimestre, parmi un total de 12 775 tablissements, prcise l’analyste, soit environ 10% des revenus.
Il est toutefois possible d’imaginer que les parties puissent stratgiquement tirer profit de la mise en commun de leur chane d’approvisionnement, leurs relations-clients et leurs pratiques de vente omni-canal mme si les deux dtaillants servent des marchs distincts, dit-elle.
Aprs tout, fait valoir Irene Nattel, la dmarcation entre les commerants est de plus en plus fluide parce que les formats de magasins grandissent et rapetissent sans cesse. Elle donne en exemple l’achat en octobre 2020 pour l’exploitation des stations d’essence EG Group et le fonds TDR Capital des hypermarchs britanniques Asda qui appartenaient Walmart (WMT,148,97 $US) pour 9,2 milliards de dollars amricains.
Dans cette transaction, les deux entreprises n’ont pas fusionn leurs activits, mais Asda compte ouvrir des dpanneurs dans les stations d’essence d’EG, rvle un article du Financial Times, publi le 12 janvier.
«Une telle transaction serait vraiment un vnement gigantesque dans l’industrie de l’alimentation et de l’accommodation. Nous sommes trs intresss d’en apprendre plus sur le raisonnement d’un tel investissement et les synergies (envisages)», a dclar Clive Black, analyste en chef de Shore Capital, au quotidien financier.
Irene Nattel rappelle que le PDG de Couche-Tard, Brian Hannasch, a rpt qu’il tait un acqureur d’actifs et de dirigeants de premire qualit, lors d’une rencontre en novembre. En mme temps, la socit s’est retire de transactions trop chres telles que Speedway et Cumberland Farms.
Couche-Tard a l’habitude d’exiger que les acquisitions offrent le potentiel d’ajouter de 30 50% au bnfice d’exploitation. De plus, la socit russit dgager une rendement de l’avoir des actionnaires de 25,7% et un rendement du capital de 17%, ce qui tmoigne de la discipline financire de sa stratgie d’acquisition, renchrit Mme Nattel.
tant donn la nature prliminaire des pourparlers entre Couche-Tard et Carrefour, l’analyste de RBC ne touche pas pour l’instant ses prvisions ni son cours cible de 55$.
Sur papier, une transaction potentielle de 19,6 milliards de dollars canadiens (la valeur boursire de Carrefour) est norme en proportion de celle de 46 G$ de Couche-Tard. Aprs tout, son plus gros achat en 2016 a t celui de la chane CST Brands pour 4,4 G $US. La socit a toutefois fait une offre l’an dernier pour la chane amricaine Speedway, qui est finalement passe aux mains de la japonaise Seven Eleven pour 21 G $US.
En plein redressement, Carrefour SA se ngocie un multiple de 11 fois les bnfices par rapport un multiple de 17 fois pour Couche-Tard, signale pour sa part Chris Li, de Desjardins Marchs des capitaux.
Sur une base proforma, l’picier franais ajouterait donc en principe 23% au bnfice par action de Couche-Tard, calcule-t-il. Si le march accordait un multiple mitoyen de 14 fois aux futurs bnfices (50% du bnfice d’exploitation proviendrait de l’picerie), l’action de Couche-Tard aurait une valeur de 43$ avant les synergies potentielles, modlise l’analyste.
Chris Li maintient aussi son cours cible de 51$, mais se dit confiant que Couche-Tard ne procderait pas une transaction si elle ne crait pas de la valeur.
Pour sa part, Vishal Shreedhar, de la Financire Banque Nationale, juge que l’achat potentiel de l’ensemble de Carrefour SA serait transformationnel, mais qu’il n’offrirait pas les synergies habituelles de la mise en march de l’essence ou du partage des meilleures pratiques des dpanneurs. «Couche-Tard serait mieux servie en acqurant les dpanneurs de Carrefour», croit-il.
L’analyste s’tonne que Couche-Tard considre une telle transaction. Non seulement l’Europe n’tait pas dans ses priorits, mais un achat qui l’loigne de son champ de comptence signale que le dtaillant augmente sa tolrance au risque dans sa stratgie d’acquisitions.
Sans les synergies, il estime tout de mme que Carrefour SA ajouterait au moins 25% aux bnfices de Couche-Tard en utilisant un multiple de 6 8 fois le bnfice d’exploitation de la socit franaise pour le cot de la transaction.
La dette de Couche-Tard grimperait toutefois de 1,9 3,9 fois le bnfice d’exploitation, un niveau plus lev que la zone de confort de la socit aprs une transaction. «La socit serait alors dispose mettre des actions pour rduire cette dette», puisque les synergies seraient plus difficiles raliser cette fois, crit-il dans une note prliminaire.
Vishal Shreedhar maintient aussi son cours cible de 55$ pour l’instant, soit 19 fois le bnfice prvu la mi-2023.
Peter Sklar, de BMO Marchs des capitaux, partage l'opinion de son collgue de la FBN. « Une transaction de cette envergure exige qu'elle offre un fit stratgique vident», crit-il. Il prfre aussi que Couche-Tard se concentre sur les dpanneurs de Carrefour.