(Paris) tendre l’ancrage gographique, soutenir la croissance et accrotre les capacits d’investissement dans un contexte boulevers par la COVID-19 : l’intrt de Couche-Tard pour Carrefour a surpris, mais cet ventuel « rapprochement » aurait une logique, selon des spcialistes du secteur.

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CORENTIN DAUTREPPE
AGENCE FRANCE-PRESSE

Acteurs complmentaires ?

D’un ct, un champion du format « dpanneurs », magasins de petite taille souvent adosss des stations-service, surtout prsent en Amrique du Nord et un peu en Europe du Nord. De l’autre, un gant des grandes surfaces install notamment en France, Europe du Sud et de l’Est et au Brsil.  

Difficile a priori de faire plus dissemblable que Couche-Tard, qui ralise une grande majorit de son chiffre d’affaires via la vente de carburants (environ 70 %), et Carrefour, entreprise de la grande distribution alimentaire. « Il n’existe pas d’imbrication gographique et de format entre les deux » parties, synthtisent des analystes de Jefferies dans une note mercredi.

Avantage : cela vite, a priori, tout « risque de cannibalisation », estime auprs de l’AFP Yves Marin, expert du secteur de la distribution au sein du cabinet Bartle. Un rapprochement n’aurait pas non plus, a priori, d’impact sur l’emploi et ne poserait pas de problme en matire de concentration ou de concurrence.

Synergies possibles ?

Mais la mdaille a un revers : si « Couche-tard mise srement sur des synergies commerciales avec un meilleur maillage du territoire », analyse Clment Genelot, spcialiste du secteur de la distribution Bryan, Garnier & Co, il se montre dubitatif sur la « cration de valeur » d’une telle opration.

« On ne voit pas de synergies sur la chane d’approvisionnement ou la logistique » dans le cas d’un rapprochement, complte Yves Marin. Le poids de Couche-Tard dans la distribution d’essence permettrait d’envisager l’achat de carburants l’chelle internationale, mais « les conomies d’chelle ont prouv leurs limites dans le mtier de la distribution ».

Un autre facteur peut expliquer la volont de rapprocher des distributeurs, selon un autre spcialiste du secteur souhaitant rester anonyme : « face Amazon et consorts, les volumes d’investissements sur la capacit logistique et technologique sont colossaux, il y a donc obligation de trouver une forme d’alliance, au-del des synergies l’achat ».

Quel type de rapprochement ?

Si les deux enseignes ont parl dans la nuit de mardi mercredi d’un « rapprochement » et d’une opration « amicale » un stade trs prliminaire, c’est bien le groupe qubcois, qui a ft ses 40 ans en 2020, qui est l’initiative.

« Ils ont une volont d’expansion et sont sur une logique de croissance extensive », observe Yves Marin. Le groupe a en effet cr de cette manire : il s’est tabli aux tats-Unis au dbut des annes 2000 en rachetant de plus petit-s concurrents, puis en Europe du Nord en 2012 avec l’acquisition du groupe norvgien Statoil, pour 2,8 milliards de dollars amricains.

Le groupe de plus de 130 000 employs a aussi fait une entre remarque en novembre sur le march asiatique en rachetant pour prs de 360 millions de dollars le groupe hongkongais Convenience Retail Asia. Toutefois, « il n’a jamais t sur des fusions de cette taille », observe Clment Genelot. L’ensemble des acteurs sonds par l’AFP s’interrogent en outre sur les conditions financires du rapprochement, sans commune mesure avec les prcdentes oprations de Couche-Tard.  

Quel intrt pour Carrefour ?

Pour Carrefour, une telle opration « permettrait d’aller chercher des leviers de croissance par alliance », observe Yves Marin, et permettrait de soutenir le cours de l’action. Depuis que ces « discussions prliminaires » ont t rendues publiques par l’agence Bloobmerg, le cours du distributeur du CAC 40 s’est envol, pointant 14 h ( Paris) 17,74 euros, en hausse de prs de 15 %.

De quoi rjouir ses actionnaires privs, notamment la socit Galfa - holding de la famille Moulin qui possde les Galeries Lafayette -, le PDG de LVMH Bernard Arnault ou le milliardaire brsilien Abilio Diniz. Le cours du distributeur s’est rod depuis l’arrive sa tte d’Alexandre Bompard, en juillet 2017.

Fin octobre, le groupe, qui vient de racheter en France le distributeur spcialis Bio C’Bon, avait communiqu sur un troisime trimestre 2020 « dynamique » avec des ventes au-dessus des attentes de march. Mais il reste moins bien valoris en Bourse que Couche-Tard, 12,64 milliards d’euros (19,56 milliards CAD) mardi soir. Couche-Tard a une capitalisation boursire de 46 milliards CAD.