OTTAWA – L’avionneur qubcois Bombardier promet plus de 22 000 emplois au pays, dont plus de 6000 au Qubec, s’il obtient le contrat de remplacement des avions chasseurs de sous-marins de l’arme.
«Bombardier est le bon choix pour l’conomie canadienne», martle Pierre Pyun, vice-prsident des relations gouvernementales de Bombardier.
Son entreprise s’est engage dans une vaste opration de lobbying pour convaincre Ottawa de lancer un appel d’offres qui lui permettrait de comptitionner contre Boeing pour le lucratif contrat de prs de 8 milliards $.
Pour faire pencher la balance en sa faveur, Bombardier rend publique aujourd’hui une analyse commande PricewaterhouseCoopers (PwC) qui estime l’impact conomique que le remplacement des avions CP-140 Aurora de l’Aviation royale pourrait avoir au pays si le contrat lui tait attribu.
Comment battre Boeing
Au total, PwC estime que le contrat soutiendrait 22 650 emplois directement et indirectement via la chane de fournisseurs et gnrerait 800 millions $ de recette fiscale pour les diffrents paliers de gouvernements.
La part du lion des retombes conomiques irait l’Ontario et au Qubec, suivraient les provinces de l’Atlantique, puis celles de l’Ouest.
Boeing indique pour sa part travailler avec 550 fournisseurs d’ici. Ces oprations soutiennent ainsi d’ores et dj 14 000 emplois au pays, dont 6500 en Ontario, 6077 dans les provinces de l’Ouest et 1235 au Qubec. La compagnie ajoute que ses chasseurs de sous-marins P-8 Poseidon dj en service contiennent chacun plus de 11 millions $ de contenu canadien.
Le fait que le P-8 existe dj et soit utilis par tous les allis du Groupe des cinq (Five Eyes), sauf le Canada, est un argument clef pour la compagnie amricaine: cet appareil a fait ses preuves contrairement au produit que propose de crer Bombardier.
Face cet argument massue, l’avionneur qubcois joue donc sur le terrain des retombes conomiques o il estime tre imbattable titre de fleuron national de l’aronautique.
Influencer le politique
Bombardier indique avoir prsent les calculs de PwC la ministre de la Dfense nationale Anita Anand, au ministre de l’Industrie Franois-Philippe Champagne, et aux dputs des comts o se trouvent ses quelque 60 fournisseurs canadiens.
La compagnie touche ainsi une corde sensible puisque les approvisionnements en dfense doivent obligatoirement contribuer aux emplois, l'innovation et la croissance conomique dans l'ensemble du pays. C'est ce que prvoit la Politique des retombes industrielles et technologiques.
En raison de cette politique, «les contrats militaires majeurs dpendent de volonts politiques», a dplor le directeur parlementaire du budget Yves Giroux devant le comit permanent de la Dfense, en juin. Chaque dput pousse en effet pour des intrts conomiques locaux au dtriment parfois de l’intrt national, puisque cette attitude ralentit l’approvisionnement militaire, ce qui nuit au travail de nos soldats.
GARE AU LOBBY QUI NUIRAIT AUX MILITAIRES
Des experts rclament la tte de la politique forant les contrats militaires assurer des retombes conomiques au pays, car elle nuit l’approvisionnement de nos soldats.
«Le Canada pourrait modifier, voire abandonner, son Programme des retombes industrielles et rgionales», a dclar la chercheuse Anessa Kimball, directrice du Centre sur la scurit internationale de l'Universit Laval, devant le comit permanent de la Dfense, en juin.
«Ce programme entrane une distorsion du march et entrave le processus d'approvisionnement, a-t-elle expliqu. Il a notamment pour effet de retarder des projets de recherche et dveloppement et d'acquisition de produits qui sont essentiels pour nos forces militaires, ce qui affecte d'autant leur tat de prparation.»
Le pilote d’essai Billie Flynn, ex-lieutenant-colonel de l’Aviation royale canadienne, qui a notamment test les avions de chasse F-35 de Lockheed Martin, appelle lui aussi Ottawa ne pas cder au lobby.
«Il n’y a pas de solution exclusivement canadienne, seulement des querelles politiques pour tenter d’inventer un appareil qui n’existe pas. Un moment donn, la dfense du Canada doit prendre le dessus sur la politique», crit-il, inquiet que le lobbying prive nos militaires de ce dont ils ont besoin.
Billie Flynn, pilote d'essai COURTOISIE BILLIE FLYNN
Dcision stratgique
Devant le comit permanent de la Dfense le mois dernier, la vrificatrice gnrale Karen Hogan s’est elle aussi montre critique de la Politique des retombes industrielles et technologiques.
«Il faut dcider stratgiquement ce qui doit tre construit au Canada, ce qui peut tre construit au Canada et pourquoi. C'est vraiment un choix politique. Je ne crois pas que le Canada puisse construire tout ce dont il a besoin. Nous sommes un petit pays, donc il s'agit de dterminer dans quoi le Canada peut exceller», a-t-elle dit.
Pour Bombardier, l’arospatiale qui emploie 212 000 personnes au pays est justement un domaine dans lequel le Canada peut tre premier de classe.
«Il y a trs peu de nations comme la ntre qui ont la capacit de dvelopper un avion de A Z, insiste Pierre Pyun, vice-prsident des relations gouvernementales de la compagnie. On a l une opportunit de devenir un leader mondial, de dvelopper nos comptences souveraines.»